A l'initiative des Départements de Seine-Saint-Denis du Val-de-Marne de Paris et de la région Ile-de-France, une réunion consacrée à la crise de l'hébergement d'urgence en Ile-de-France s'est tenue jeudi 23 juin dans les salons de l'Hôtel de Ville de Paris.
Ci-après, le manifeste adopté par les élus lors de cette réunion.
Manifeste pour une autre politique de l’hébergement et du logement des sans abri dans la métropole
Présenté par Claude Bartolone, Bertrand Delanoë, Christian Favier, Jean Paul Huchon
Paris et les départements de première couronne concentrent sur leurs territoires un nombre croissant de personnes en situation de grande précarité, vivant à la rue ou confronté au mal logement : personnes isolées très désocialisées, public jeune en errance (parfois avec animaux), couples et femmes seules, femmes en situation de prostitution, familles victimes d’une expulsion, migrants demandeurs d’asile non pris en charge faute de places dans les centres spécialisés (CADA).
Si la crise économique, le niveau élevé des loyers alimentent ces phénomènes de grande pauvreté, l’Etat a le devoir et l’obligation légale de proposer à toute personne ou ménage en errance une mise à l’abri immédiate et inconditionnelle avec un suivi social et sanitaire adapté à chaque situation.
Or nous constatons dans nos départements et notre région que cette obligation d’accueil inconditionnel des sans abri - qui est pourtant l’un des fondements républicain de la solidarité nationale - n’est plus mis en œuvre par l’Etat qui ferme massivement des places d’hébergement (diminution de 23 % des nuitées hôtelières du Samu Social), baisse les budgets des associations de solidarité gestionnaires de centres d’accueil ou de maraudes, et ordonne la remise à la rue des personnes hébergées sans leur donner d’alternative.
1- Nous dénonçons fortement la fermeture brutale en 2011 de plusieurs milliers de places d’hébergement en Ile de France par le Ministère du logement :
Alors qu’il manque près de 13 000 places d’hébergement en Ile de France pour répondre aux demandes des personnes à la rue, l’Etat a ordonné aux gestionnaires de 115 et au Samu Social la fermeture de 4500 nuitées/jour d’ici la fin de l’année sur les 3 départements (- 3000 sur Paris, - 950 en Seine Saint Denis, - 500 dans le Val de Marne). Pour mettre en œuvre ces diminutions drastiques, la Préfecture d’Ile de France organise un tri arbitraire des familles sans abri ayant ou non accès à un hébergement en demandant au Samu Social de bloquer les entrées dans le dispositif d’hébergement pour qu’elles ne dépassent pas la moitié du nombre de sortie avec une priorité d’accès donnée aux mères seules avec enfant.
D’ores et déjà 430 familles (soit 1350 personnes) hébergées en hôtel par le Samu Social dans ces trois départements sont menacées d’une fin de prise en charge immédiate, à la demande du Préfet.
L’Etat organise également le « ballottage » des familles mal logées d’un hôtel à l’autre, interdisant de fait la scolarisation des enfants et limitant les possibilités d’insertion et d’accès à terme à un logement stable. Cette « maltraitance » institutionnelle vise à l’évidence à décourager les familles souhaitant renouveler leur prise en charge tandis que le 115 n’est plus en capacité de répondre aux demandes d’hébergement. Ainsi en Seine Saint Denis, ces trois dernières semaines les services sociaux de terrain ont accueilli plus de 300 ménages comprenant 367 enfants, en fin de prise en charge du 115 du département
A ces mesures dramatiques s’ajoute la fermeture de 900 places en centre d’hébergement dans ces trois départements depuis le 31 mars dont 206 en Seine Saint Denis (fin du plan hivernal) qui a entrainé la reconstitution immédiate de campements indignes.
Nous regrettons également que l’Etat n’ait pas totalement respecté ses engagements au titre de l’appel à projet innovant sur l’hébergement d'urgence lancé en partenariat avec la ville de Paris et la Région fin 2009, ce que dénonce les associations gestionnaires.
Nous sommes tous convaincus que l’hébergement d’urgence, notamment hôtelier, n’est pas une réponse satisfaisante à long terme et qu’il convient de trouver avec l’Etat des alternatives plus qualitatives aux familles sans abri. Cependant prétendre comme le fait le Ministre du Logement que les fermetures d’hôtels peuvent être compensées par des sorties en logement alors que l’Etat diminue dans le même temps le budget affecté au logement social (- 73 millions d’€ pour toute l’Ile-de-France) est une contrevérité d’autant plus cynique que cette décision conduira à remettre à la rue plusieurs centaines de familles. Alors que la barre symbolique des 400 000 demandeurs de logement social a été dépassée pour la première fois en 2010 dans notre région et que 2/3 des recours DALO sont déposés en Ile-de-France, l’ampleur de la crise exige une mobilisation sans précédent de l’Etat avec le concours des collectivités locales.
Dans ce contexte, la politique gouvernementale de fermeture massive de places d’hébergement, dictée par de strictes considérations budgétaires, vise à faire porter le poids de la réduction des déficits publics sur les populations les plus pauvres, en stigmatisant un peu plus les familles mal logées.
2- Nous demandons une répartition territoriale plus équilibrée de l’offre d’hébergement et de logements des populations les plus vulnérables dans le cadre d’une nouvelle stratégie métropolitaine :
Alors que l’essentiel des centres d’hébergement (27 000 places en Ile de France chiffre à vérifier), des logements sociaux, des services de domiciliation des sans abri et des demandeurs d’asile sont situés à Paris en Seine Saint Denis et dans le Val de Marne nous demandons à l’Etat -dont c’est la mission - de rééquilibrer l’offre d’accueil à l’échelle métropolitaine.
D’ailleurs la région dans sa nouvelle d’action sociale a prévu une majoration financière de ses subventions dans les départements déficitaires par rapport à la moyenne régionale. Dans cette perspective, il est urgent de solliciter fortement les collectivités qui ne respectent pas la loi SRU ou l’obligation de posséder une place d’hébergement pour 1000 habitants.
Nous demandons une meilleure régulation des flux de populations entre les territoires, par une réforme de la gouvernance des politiques de logement et de lutte contre l’exclusion en Ile de France devenue archaïque,, en associant toutes les collectivités locales volontaires.
La politique gouvernementale engagée à l’encontre des populations roms a montré toute son inefficacité puisque les campements se reconstituent après chaque opération d’évacuation.
Enfin l’Etat s’est fortement désengagé des politiques d’accueil des mineurs étrangers isolés qui sollicitent une prise en charge après avoir fuit leurs pays d’origine, frappés par la guerre et l’extrême pauvreté. L’hébergement et le soutien éducatif à ces jeunes repose aujourd’hui pour l’essentiel sur les conseils généraux (1500 mineurs étrangers isolés pris en charge par l’ASE Paris soit un doublement sur 2 ans, 500 par l’ASE du 93) qui ne peuvent répondre à toutes les demandes de protection sans une intervention de l’Etat compétent au titre des politiques migratoires et de la justice des mineurs. La région de son coté participe à cet accueil, en ayant ouvert les stages de la formation professionnelle à ces mineurs étrangers isolés
3- Nous demandons :
1- Un moratoire immédiat sur les fermetures de places d’hébergement et le rétablissement des crédits d’urgence dédiés aux 115, au samu social et aux associations gestionnaires de centres sur la base des dépenses constatées en 2010. Ces mesures doivent permettre en lien avec les collectivités locales concernées de garantir les principes d’accueil inconditionnel et la non remise à la rue des personnes sans solution, conformément à la loi.
4- Nous mettons en débat plusieurs propositions pour lutter contre l’errance urbaine et soutenir l’insertion des ménages sans abri :
1 - La mise en œuvre d’une programmation de places d’hébergement et de logements accessibles aux ménages sans abri (CHU, CHRS, Maisons relais, résidences sociales) répartie de manière équilibrée sur la base du PRAHI, document programmatique élaboré par le Préfet de Région en 2010 (non mis en œuvre) qui quantifiait les besoins de création nette à 13 000 places supplémentaires. Cet effort de production sera orienté vers les territoires qui ne respectent pas les objectifs de la loi SRU (20 % de logements sociaux) et Molle (1 place d’hébergement pour 1000 habitants).
2 - La régulation des flux de population en grande difficulté entre les territoires pilotée par l’Etat (dont c’est la compétence), impliquant une nouvelle gouvernance régionale des 115 et du Samu Social qui intègre les associations et les conseils généraux avec plusieurs objectifs : « désemboliser » le numéro d’appel 115, répartir de manière équilibrée les demandes de domiciliation administrative (sans abri et demandeurs d’asile), mutualiser les capacités d’accueil des hôtels sociaux en maîtrisant le coût des nuitées, favoriser la scolarisation des enfants des familles hébergées et assurer un suivi social permettant à terme une sortie en logement.
3 - L’accès aux droits des demandeurs d’asile à travers la création de places en CADA (l’Ile de France concentre 45 % de la demande d’asile nationale et ne dispose que de 16,5 % des places d’accueil) et de 2 nouvelles plateforme de domiciliation dans l’ouest parisien.
4 - La suspension des expulsions locatives pour les locataires de bonne foi ayant une dette locative et qui n’ont pas de solution de relogement
5 - le développement de l’intermédiation locative (« Solibail » en région, « Louez solidaire » à Paris) pour accroitre les solutions de sortie en logement des personnes hébergées à l’hôtel.
6- La création d’une mission métropolitaine de traitement socio –économique des campements de personnes Roms , présidée par le Préfet de Région et associant les collectivités locales concernées avec pour mission l’éradication des bidonvilles, la recherche de solutions concertées d’hébergement et de suivi social et sanitaire de ces populations.
7 - La mise en œuvre par l’Etat d’une plate forme interministérielle confiée à la Protection Judiciaire de la Jeunesse (Etat) coordonnant les actions destinées aux mineurs étrangers isolés et la création au sein du Fonds national de protection de l’enfance, d’un Fonds d’intervention destiné aux départements les plus concernés par les mineurs étrangers isolés.
Manifeste adopté par les départements du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et de Paris
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